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Hiverner
Le Petit Traité sur l'Immensité du Monde, de Sylvain TESSON, m'a ouvert il y a quelques années un vaste champ de réflexion, qu'il m'a été donné de cultiver régulièrement depuis. Celui de la retraite, au sens le plus noble du terme. La mise en retrait, plus justement. Volontaire et délibérée. Salutaire et jouissive. Si possible l'hiver.
Ma première réaction face à cette démarche fut assez primitive : « complètement barré ce type ! ». Sylvain TESSON se projetait dans le futur, imaginant son ermitage avec délectation. Il s'occuperait de ses besoins vitaux (se chauffer, se nourrir), s'isolerait avec quantité de lectures hétéroclites et limiterait les rapports avec ses semblables. Quelques années plus tard parut Dans les forêts de Sibérie, du même auteur donc, relatant son expérience d'isolement dans une cabane au bord du lac Baïkal. Ou comment passer son temps à parcourir ses alentours par divers moyens, écouter vivre la glace, lire, ne rien faire aussi. Un « voyage » contemplatif, néanmoins physique compte-tenu des conditions météorologiques, philosophique. Tout arrive quand on s'en donne les moyens.
Entre temps, Rick BASS (je viens de terminer Winter), Pete FROMM, Olaf CANDAU, THOREAU ont alimenté mon imaginaire. Et mûri ma réflexion à ce sujet. J'ai compris le fondement. J'ai compris le besoin. Et j'ai compris que peut être un jour ce serait mon tour.
J'imaginais sans y réfléchir, une sorte de temps mort monacal. Sans intégrer qu'il n'y a pas de temps mort pour l'esprit. Et à condition qu'il soit souhaité. La répétition des tâches nécessaires à la simple survie prend tout d'abord une bonne partie de la journée. Question occupation, aucun problème. Reste à combler les soirées, que les efforts consentis rétrécissent et que la lecture ou l'écriture enrichissent. Que ce soient des textes saints... ou pas. Un long moment suspendu, hors des contraintes futiles. Qui n'en a pas la nécessité, l'envie ? Facile à dire, impossible à faire ? Réservé à une caste de personnes border-line ? Peut-être...
Mais à lire ces aventuriers, leurs cogitations et journaux de bords respectifs semblent plutôt sensées. Et leur prose aguiche : la beauté des lieux, le calme, la neige, le froid qui seul ralentit les hommes. Et si on y allait nous aussi ? D'autant que les expériences relatées apportent leur lot de rencontres fortuites. Il est bien rare d'être complètement seul quelque part au confins du monde ! Difficile d'imaginer passer six moins ou d'avantage, sans parler à personne. Certains auteurs décrivent d'ailleurs l'isolement comme un catalyseur de la folie (Vendredi ou les Limbes du Pacifique, de Michel TOURNIER me vient à l'esprit), alors qui chercherait à couper net les interactions sociales ? J'entrevois une communication d'un autre temps et d'une autre saveur, par lettres manuscrites. Et des entrevues limitées mais salvatrices.
Merci à ces écrivains d'avoir partagé leur quotidien, parce qu'il a fugacement éclipsé le mien (fort agréable par ailleurs). A force de transposition imaginaire, qui sait, une occasion concrète se présentera, qu'il faudra savoir saisir ou refuser en connaissance de cause.
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